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Histoire d'une deuxième vie.
16 juillet 2011

La réa (2)

Bien d'autres misères m'attendaient au cours de ces 3 semaines de réa. L'ordre chronologique m'échappe un peu en grande partie à cause des différentes drogues que l'on m'a fait ingurgiter (ou plutôt injecter) alors je vous raconterai surtout ce qui m'a le plus marqué.

Commençons malgré tout par la semaine qui a suivi la 1° extubation et la fameuse pose  du cathé fémoral. Ma respiration ne s'est pas faite toute seule et je passais 22 voir 23h/24 sous VNI, je n'étais absolument pas capable de respirer par moi-même si ce n'est au prix d'efforts constants et totalement épuisants. La RS comme ils disaient (respiration spontanée), ce n'était pas pour tout de suite... Je sentais également un encombrement très important au niveau de mes bronches que je n'avais pas la force d'évacuer par moi-même. En effet après l'extubation et toujours sédatée, impossible de tousser et encore moins de cracher: mes cordes vocales ayant subi une inflammation, il m'était même impossible de parler. Je resterai aphone plus de 2 semaines, ce qui va être horrible à vivre pour communiquer avec ma famille... Aujourd'hui encore ma voix "normale" n'est pas encore tout à fait revenue et je tousse et ris "sans son", à tel point que ma mère m'appelle Véronique (Samson!! oui bon, un peu d'humour dans ce monde de brute^^)

Malgré ces énormes difficultés respiratoires, on s'obstine à me dire que tout va bien... Pourtant je sais au fond de moi que tout ça est loin d'être gagné et que non, mes poumons ne fonctionnent absolument pas! Entre la douleur omniprésente dès que j'ouvre les yeux et les difficultés pour repsirer, j'ai souhaité je ne sais combien de fois revenir en arrière, reprendre ma vie de muco... Pour moi depuis le 29 mai, cette nouvelle vie tant attendue s'est transformée en cauchemar....

Et c'est vrai que tout ne va pas bien: les 6 souches de pyocianique multi-résistantes qui étaient présentes dans mes poumons avant la greffe ont colonisé mes nouveaux poumons "neufs" certes mais encore bien fragiles... Tous les antibiotiques possibles et imaginables me sont administrés mais rien n'y fait, impossible de vaincre cette saloperie de pyo, il est trop fort et moi trop faible. Je présente en effet également une anémie, j'aurais donc droit à une transfusion pour essayer de récupérer un peu. Malgré tout ça, un des chirurgiens prévient mon mari: " là nous sommes au taquet côté antibios, si elle ne remonte pas, nous ne pouvons rien faire de plus..." En attendant pour m'aider un peu je subis fibroscopie sur fibroscopie. Parfois sous anesthésie générale, parfois à vif. Ceci étant bien qu'à vif ce ne soit pas des plus agréables, les anesthésies à répétition auront des effets dévastateurs sur mon état psychologique en plus de la morphine. Mais pour l'instant, ces anesthésies générales sont mes seuls moments de répit tellement je livre un combat de chaque instant pour respirer. J'attends avec impatience l'injection du Diprivan qui envahit mon crâne comme une vague de chaleur toujours du côté gauche avant que je sombre dans un sommeil artificiel certes mais reposant... Ces fibroscopies servent à la fois à voir l'état de mes poumons, dépister un éventuel rejet et surtout aspirer les sécrétions qui m'étouffent et que je ne suis pas capable de dégager seule.

La pneumopathie persistant, au bout d'une semaine environ il est décidé de me baisser ma dose d'anti-rejet afin que mon organisme puisse se défendre un peu tout seul. Ce qui devait arriver arriva, cette baisse d'immuno-suppresseurs entraina bel et bien un rejet... Heureusement pour moi, la pneumopathie était enfin sur la fin et les 2 pathologies ne se sont pas superposées sinon je doute d'avoir pu être là pour vous écrire aujourd'hui... Me voilà donc à combattre un rejet maintenant: d'abord décision est prise de me rendormir et de me ré-intuber pour que je récupère un peu. Je n'en peux vraiment plus... Ce à quoi je ne m'attendais pas c'est dêtre réveillée dès le lendemain avec mon tuyau dans la bouche. Je ne sais pas si j'aurais les mots pour exprimer l'horreur que j'ai ressenti à ce moment là: intubée et éveillée, mais comment est-ce possible, il y a sûrement une erreur??? Je le vis comme de la torture, je suis terrifiée, je me crois repartie au moyen-âge... Je tente de déglutir au prix d'une douleur foudroyante dans la gorge, je me bats pour respirer mais aucun air ne rentre ni par ma bouche ni par mon nez... Je panique, je m'agite, je pleure (ce qui n'arrange rien pour ma pauvre gorge...) Enfin un infirmier vient à mon secours (merci Guillaume): "calmez-vous tout va bien, la machine respire pour vous, ne forcez pas. Mettez vos mains sur votre poitrine, vous verrez que vous respirez". Et c'est pourtant vrai, mon thorax monte et descend tout tranquillement au bruit de l'appareil que j'entends dans mon dos. Enfin je me calme et je m'endors apaisée... Je resterai ainsi avec mon tuyau dans la bouche pendant près d'un semaine. Je ne suis plus en mesure de communiquer si ce n'est pas le biais d'une ardoise (et encore quand j'ai la force d'écrire) ou en tapant avec mon oxymètre en permence à mon doigt sur le combinet du télépone pour signifier "oui" aux questions de ma famille: période horrible pour eux et en particulier pour ma fille "maman tu ne parles pas, tu ne souris pas, tu fais rien, ça fait drôle..." Du coup elle sombrera dans un mutisme jusqu'à ce que sa maman ressemble à nouveau à sa maman...

Reste maintenant à traiter le rejet: on me prescrit 2 injections par jour de 600mg de cortisone! Qui a essayé de dormir en prenant une dose normale de 60mg de cortisone le soir hein??? Et bien moi avec mes 1 200mg par jour, je n'ai pas fermé l'oeil pendant 2 nuits consécutives... Les yeux grands ouverts comme des billes... Et là c'en était trop pour mon petit cerveau: la morphine, l'épuisement, les anesthésies à répétition pour les fibro, me voilà dans une phase d'hallucinations terribles. Je ne sais plus distinguer le jour de la nuit, lorsque je ferme les yeux au lieu de me retrouver dans le noir un nouveau décor plus vrai que nature apparait alors, comme si mes paupières ne me permettaient plus de faire un barrage contre la lumière et que je n'accédais plus à l'obscurité pour pouvoir me reposer quelques instants. Les murs se couvrent de dessins divers, les bruits des ventilations se transforment en radio permanente de jour comme de nuit et change à l'envie (je tiens quand-même à préciser que je ne suis pas très férue de musique et que cette radio constante est plus pour moi une source de stress qu'autre chose). Jusque là j'ai cru que les infirmières travaillaient en musique et j'étais prête à leur demander s'il était possible de l'arrêter. Mais non, tout cela se joue dans ma petite tête. Ma pneumo se rend compte que je commence à "perdre la boule", on me sèvre donc de morphine, mais les effets de la cortisone étant toujours là on me donne en parallèle de quoi dormir pour ne pas que mon cerveau lâche complètement. Et là c'est pire que tout: je vis dans un monde parallèle, je m'en rappelle comme s'il s'agissait de souvenirs concrets, il ne s'agit pas de rêves mais plutôt de délires conscients. Une force invisible essaye en permanence de me soulever de mon lit pour m'emmener je ne sais où. Je lutte, je me tiens à mon lit de toutes mes forces. Des gens, des animaux viennent me voir. Je ne suis plus dans une chambre stérile mais dans une cabane de pêcheur. Je sens même l'air de la mer sur mon visage. Mon mari est tout prêt juste derrière moi, ma fille aussi. Je les entend chuchoter, ils parlent de moi, je les appelle, j'essaye de les toucher en vain. Même les yeux ouverts je ne reconnais plus ma chambre de greffe et ce pour un bon nombre de journées. La nuit lorsque l'activité de la réa se calme un peu, je délire encore plus: je me crois dans une clinique illicite où l'on m'a transportée pour de quelconques manipulations interdites. Ma voie centrale fuit et les protections de mousse sur ma perf me font penser à des glaçons qui permettraient de conserver le traitement qui coule dans mes veines. J'agresse l'infirmière de nuit (pauvre Véronique): "où je suis? vous m'avez emmené où? c'est quoi ces glaçons??? -Mais ce ne sont pas des glaçons, vous êtes au Haut Lévêque, on vous a transplanté des poumons vous vous souvenez?" Et moi persuadée qu'elle se fiche de moi mais je suis loin d'avoir la force de protester davantage. Et puis un jour, ou plutôt une nuit où mes forces me lâchent complètement, je décide de me laisser porter par cette force invisible, je n'en peux plus de lutter. Elle me porte dans mon drap et m'emmènent très rapidement par un escalier. Là je me vois dans le futur, je reviens sur mon passé, lorsque j'ai été greffé et que j'ai failli mourir. Je participe à une émission de télévision qui retrace mon parcours et raconte comment une nuit, Dieu et ses disciples (je ne suis absolument pas croyante, je tiens à la préciser, je me définirais plutôt comme agnostique) me donnent une chance de choisir ma destinée ou plutôt octroient à mon mari et ma fille une faveur: soit ils ont le droit de m'accompagner jusqu'au bout, soit ils décident de me sauver mais le jour où je partirai vraiment, ils n'auront plus ce privilège de m'accompagner jusque dans mes derniers instants... Je vois toute une assemblée de personnes: de la famille en pleurs et d'autres que je ne connais pas, tous dans la même tenue. Et au-delà de toute croyance je sais de manière inébranlable que cette nuit est un moment clé, si je passe la nuit, moi qui ai toujours autant de mal à respirer, je survivrai. Mon rêve se poursuit, mes 2 amours, en pleurs, décident évidemment de me garder avec eux... Le jour se lève enfin! Je crois que je sais que j'ai gagné, pourtant le combat n'est pas encore fini...

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Commentaires
E
.................
D
pfffff
J
Wow.
Histoire d'une deuxième vie.
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